L'approche féministe et ses principes

L'analyse féministe en maison d'hébergement

À force de contacts constants avec des femmes victimes de violence conjugale, il est devenu rapidement évident pour les maisons d’hébergement que la violence conjugale n’était pas un problème individuel, mais bien un problème de société qui s’inscrit dans les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes. De cette analyse découle des principes d’intervention utilisés par les maisons. D’ailleurs, il y a un certain consensus social autour de cette compréhension, comme par exemple, l’ONU qui définit la violence faite aux femmes comme suit :

«La violence faite aux femmes désigne tout acte de violence fondé par l’appartenance au sexe féminin, causant ou susceptible de causer aux femmes des dommages ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, et comprenant la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou la vie privée. La violence contre les femmes est la manifestation de rapports de force historiquement inégaux entre l’homme et la femme qui ont abouti à la domination exercée par les hommes sur les femmes et à la discrimination à leur égard, et empêchée leur pleine promotion, et la violence contre les femmes est le mécanisme social fondamental et extrême qui contraint les femmes à une position de subordination par rapport aux hommes!» (Définition de l’ONU)

Dans ce sens, «la violence conjugale n’est pas qu’une dynamique de couple, exclusivement liée à deux individus, mais elle découle d’une socialisation et d’un rapport de force, en conformité avec une organisation sociale qui établit une discrimination entre le rôle des hommes et celui des femmes!». (Un grain de sable dans l’engrenage, p.35)

Cette violence a pour effet de victimiser les femmes qui la subissent. En effet, «la victimisation des femmes, c’est l’envers du contrôle des hommes, sa contrepartie. C’est un processus qui se développe dans toutes les sociétés où des hommes peuvent «légitimement» recourir à la violence et réduire les femmes à l’impuissance». (La violence conjugale c’est quoi au  juste? p.36)

«Cette vision androcentriste (centrée sur les hommes) a pu être intégrée jusque dans le processus de socialisation. En effet, dès le bas âge, les garçons apprennent traditionnellement à être (…) privilégiés, alors que les filles apprennent la soumission et l’adaptation à l’impuissance. Le processus de victimisation peut ainsi s’enclencher chez les femmes au-delà de la violence des hommes, avant même qu’il y ait une agression qui leur soit directement et personnellement adressée. » (Guide de l’intervenante: L’intervention féministe en dévictimisation)

Aujourd’hui, on peut constater que des pas ont été franchis, que le féminisme a laissé sa marque dans la prise de pouvoir des femmes puisque la socialisation des filles n’a plus pour seul modèle l’impuissance et la soumission. On y retrouve en effet une variété de modèles qui cohabitent et qui élargissent l’ensemble des réactions possibles des femmes en société (même si on peut observer que majoritairement, les jeunes filles se définissent encore à partir de leur relation amoureuse avec les hommes et du désir de leur plaire). Les femmes tolèrent tout de même moins longtemps la violence qui leur est faite et savent qu’elles peuvent recourir à un ensemble de services : SOS Violence conjugale, maisons d’hébergement, IVAC, Centre de femmes, CISSSS, psychologues privés ayant une expertise en violence conjugale, CAVAC, infirmières, policiers, etc.

 « Il n’en demeure pas moins que des femmes continuent à être agressées et victimisées. Par conséquent, une analyse féministe de la victimisation des femmes permet de reconnaître qu’il y a une organisation sociale qui réduit encore les femmes à l’impuissance face aux agressions qu’elles subissent, même si leur socialisation les encourage davantage à réagir face à la violence. De ce constat, les féministes voient l’importance que les femmes entreprennent un processus de reprise de pouvoir (dévictimisation), tant individuellement que collectivement, pour se sortir de la violence, pour les renforcer dans leur dénonciation et ainsi ébranler les structures sociales. Dévictimiser les femmes ne signifie pas enrayer la violence qui leur est faite. Par contre, autant la victimisation réduit à l’impuissance et de ce fait, favorise la tolérance à la violence et le maintien des valeurs traditionnelles établies; autant la dévictimisation vise l’intolérance à cette violence et la dénonciation. Il en résulte alors une reprise de pouvoir des femmes sur leur vie et un changement social quant à la normalité des rapports de domination des hommes sur les femmes!»

L’approche féministe

C’est au fil des ans que l’ensemble des intervenantes des maisons d’hébergement ont endossé et développé une analyse féministe de la violence conjugale. Elles reconnaissent l’importance d’offrir aux Femmes victimes de violence une approche globale et de qualité.

L’approche féministe est avant tout basée sur des valeurs humaines dont la prémisse est l’égalité.  Le féminisme reconnaît notre système social comme patriarcal et souhaite rétablir le tout.  Ainsi, c’est par l’ouverture d’esprit, la transparence, le respect des différences (même l’exploitation des forces dans les différences) et le non-jugement que doit se vivre notre féminisme en maison.

L’objectif ultime de l’intervention est, par conséquent, d’amener les femmes à reprendre individuellement et collectivement du pouvoir sur leur vie. 

Pour ce faire, un  principes directeurs qui guident leur ’intervention au quotidien.

Les principes féministes sont donc : 

  • Que les femmes reprennent du pouvoir sur leur vie à travers la solidarité entre femmes, les rapports égalitaires et la défense de leurs droits ;
  • Que les femmes et les enfants victimes de violence conjugale ne sont pas responsables de la violence subie ;
  • Que les femmes ont droit à l'autonomie, au respect et à la liberté;
  • Que les femmes ont le potentiel et les habiletés pour diriger leur vie et prendre des décisions qui vont dans leur intérêt ;
  • Que le changement individuel est une amorce au changement social et vice et versa.